lundi 18 juin 2007

Raymond Afantchao et les collèges communautaires.


C‘est un homme affable, bien rond de sa personne et pourtant étonnamment agile, monté sur une petite moto il fil à toute vitesse sur les pistes défoncées, toujours pressé. Monsieur Afantchao conduit trois projets de front et en a encore autant en réserve. Boulimique de travail, il multiplie les rendez-vous pour tenter de convaincre les bailleurs de fonds de la validité de ses initiatives. La particularité des projets de monsieur Afantchao réside dans le fait que ce sont des projets pensés par des Togolais, pour le Togo. Ceux-ci prennent en comptes les particularités du pays sans passés par le formatage imposé par les cadres expatriés des ONG internationales.



Les E.D.I.L.

Le grand projet de monsieur Afantchao ce sont les EDIL (Ecole D’Initiative Locale), des écoles primaires créées directement dans les campagnes à la demande de communautés villageoises. Les parents qui y inscrivent leurs enfants prennent en charge le salaire des enseignants, monsieur Afantchao et l’université de Lomé se chargent de former les professeurs, et d’encadrer le projet du point de vue de la pédagogie et pour l’organisation des examens. Ces structures alternatives d’enseignement offrent à des petites communautés isolées une possibilité de scolarisation pour les plus jeunes.


Raymond Afantchao n’est pas le seul dans son cas, c’est ainsi que depuis une douzaine d’années c’est développé, à côté des écoles officielles et des écoles privées, tout un réseau de ces EDIL pour pallier le déficit des structures scolaires officielles. Ces écoles alternatives, financièrement accessibles, offrent un niveau de formation satisfaisant les exigences légales. Il faut savoir que les écoles publiques offrent souvent un niveau de formation très aléatoire et ont des taux de réussites aux examens pouvant être très mauvais (moins de 40 %, selon nos sources). En ce qui concerne les écoles privées, elles sont tout simplement hors de prix pour la très grande majorité des Togolais.

Du coton à l’école

C’est ainsi que près de la ville de Notché une de ces EDIL accueille aujourd’hui plus de 200 élèves avec quatre instituteurs et un directeur (seule personne officiellement reconnue par l’État). Cette école est d’ailleurs intéressante à plus d’un titre. D'une part, elle offre une réelle solution pour la scolarisation des campagnes, avec de meilleurs taux de réussites aux examens d’État que l’école publique qui est pourtant co-financée par l’UE et qui est située à une dizaine de kilomètres de là. D'autre part, cette EDIL est le fruit de la volonté d’un seul homme, analphabète, ne parlant que l’Ewe (dialecte local), mais qui a réussi dans la production de coton et qui a pris conscience que s’il avait pu recevoir une éducation, il aurait pu aller encore plus loin… Il a donc pris sur lui de soutenir, avec sa fortune personnelle, l’éducation de ses enfants et de tous les enfants de son village en aidant à l’installation et au fonctionnement d’une EDIL, n’hésitant pas d’ailleurs à payé de sa poche les salaires des instituteurs.

Les enfants grandissant et réussissant, il faut maintenant penser à leur offrir la possibilité de poursuivre leurs études dans un collège. Si le réseau des écoles primaire au Togo est lâche, le réseau des collèges l’est encore beaucoup plus d’autant que la politique des bailleurs de fonds internationaux tend à privilégier l’enseignement primaire et les formations qualifiantes au détriment de l’enseignement secondaire. (voir: arts, artisanat et tourisme à kpalimé)

L’alphabétisation, une limite

Cette politique prioritairement centrée sur l’alphabétisation a pour conséquence de faire l’impasse sur les filières d’enseignement général permettant le développement de futures élites formées localement. Or aujourd’hui si nous voulons voir l’Afrique sortir de l’impasse, il faudra passer par le développement de futures fonctionnaires, ingénieurs, médecins, etc. qui auront pris conscience de leurs rôles dans la société et qui porteront les valeurs de leur communauté. Cela ne peut pas, en définitive, se faire par la formation d’étudiants dans des structures scolaires et universitaires dépendante de projets pédagogiques étrangers, même si ceux-ci sont guidés par les meilleures volontés du monde. À terme le Togo comme le reste de l’Afrique devra développer ses propres chaînes d’enseignement permettant de former les enfants depuis l’enseignement primaire jusqu'à l’université.

Maintenant il faut passé le BAC

Mais l’organisation d’un collège est une tout autre affaire. Là, monsieur Afantchao, qui est aussi responsable du département de pédagogie de l’université de Lomé, va fournir des enseignants volontaires qui devront pallier à leur formation sommaire par le dynamisme de leur jeunesse et la conscience de l’importance de leur mission. Tout naturellement, on implante donc un Collège Communautaire, basé sur le même modèle que les EDIL. Trois professeurs et un préfet accueillent une petite quarantaine d’élèves pour les préparer en six ans à passer leur BAC. Trois paillotes et quelques bancs suffisent ainsi pour créer le collège « Marie Bietlot », du nom d’une jeune femme qui travaillait à la scolarisation du Togo et qui a été emportée, bien trop tôt, par un « neuro-palu », maladie dont même les structures sanitaires occidentales ne peuvent prédire l’issue.

Le défi actuel de Monsieur Afantchao c’est la reconnaissance des EDIL et des Collèges Communautaires par les instances gouvernementales du Togo. En effet, si pour l’enseignement primaire l’expérience des EDIL commence à être reconnue officiellement, ce n’est pas encore le cas pour les Collèges. Cette situation inquiète d’ailleurs, le préfet du collège « Maire Bietlot » et les partenaires de l’université de Lomé, car dans deux ans les premiers étudiants devront passé leur Diplôme qui devra être reconnu par l’État afin qu’ils puissent accédé plus tard à l’université, mais aussi pour être reconnus d’un point de vue professionnel.

Pour en savoir plus sur les EDIL:
http://www.hcci.gouv.fr/lecture/note/nl096.html
http://www.repta.net/repta/telechargements/contribution_togo.pdf


Photo: pierre Capoue - Togo 2006
Pierre Capoue - Juin 2006

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