vendredi 28 septembre 2007

Les églises indépendantes prolifèrent

L'université de Lomé est un endroit plutôt agréable constitué d'un ensemble de petits bâtiments répartis parmi les arbres d'une vaste plaine. Chaque bâtiment regroupe des salles de cours et des bureaux pour les chercheurs et les professeurs, créant ainsi de petites structures scientifiques autonomes. Mais cette première impression laisse rapidement la place à une autre : l'université est en fait à l'image de l'ensemble des structures collectives du Togo qui sont délaissées par les pouvoirs publics. Les bâtiments sont défraîchis pour ne pas dire vétustes, les allées de terre battue ne sont que trous et bosses, les haies, les buissons et ce qui reste de la pelouse sont laissés à eux-mêmes et poussent ou survivent comme ils peuvent.



Monsieur Sambiani, professeur de sociologie d'une petite quarantaine d'années, a publié, en décembre dernier dans la revue "CAMES"(2), un article ayant pour sujet la prolifération des nouvelles églises indépendante au Togo et leurs impacts sur la structuration de la ville de Lomé. Il faut dire que le Ministère de l'Intérieur a enregistré en 2002 près de 250 églises différentes et plus de 400 en 2005.


Mais le phénomène n’est pas propre au Togo. Toute l’Afrique subsaharienne post-coloniale a vu, depuis les années septante, une explosion de mouvements religieux, majoritairement chrétiens et protestants, défigurer le paysage philosophique traditionnel. De Simple phénomène marginal, ces nouvelles églises et leurs prédicateurs (prophètes ou pasteurs) sont devenus, en l'espace de trois ans, un véritable phénomène de masse. Ces pasteurs, qui ne cachent pas leurs liens avec les églises évangéliques américaines -il y sont d'ailleurs formés-, distillent souvent, en tout hâte une liturgie sommaire et baptisent et convertissent à tours de bras. Si l’on reprend les statistiques de la conférence épiscopale du Togo, un togolais sur quatre serait baptisé dans un pays dont les racines restent ancrées à la fois dans une religion africaine traditionnelle ainsi que dans la religion musulmane.

« En intégrant les schèmes de la philosophie africaine dans le christianisme, ces mouvement pentecôtistes qui voient régulièrement le jour au Togo, répondent à un besoin émotionnel » nous dit Monsieur Sambiani. L'essentiel de leur succès semble en effet s'attacher à leurs promesses de miracles, de guérisons, de succès financiers et amoureux. A une délivrance totale de toutes les servitudes. Un des éléments qui caractérise l'ensemble de ces nouvelles églises réside dans la promesse que les dons financiers et la prière amèneront une résolution immédiate des difficultés vécues par les fidèles et leur garantiront l’accès au ciel après leur mort. Ces pasteurs bâtissent leur succès en jouant sur la confusion entre croyance et superstition. Monsieur Sambiani raconte même une anecdote qui court Lomé sur une de ces églises qui a été fermée après la découverte d'un pot de terre cuite emplit de plumes et enterré devant l'entrée principale de ses bâtiments. Ce pot était sensé fonctionner « comme un fétiche vaudou » pour faire venir les fidèles.



Si le professeur Sambiani n'est pas tendre avec les initiateurs de ces églises, il ne l'est pas non plus envers ses propres concitoyens à qui il reproche une trop grande crédulité et une recherche de solutions magiques, miraculeuses aux problèmes quotidiens. Mais a contrario, il reconnaît aussi une certaine fonction sociale à ces églises dont l'accueil, la convivialité et la forte intégration sociale au sein des groupes de prière, forment un ensemble alternatif aux structures sociales traditionnelles existantes exclusivement basées sur la famille. Par ailleurs, le professeur de sociologie de l’université de Lomé constate aussi qu'une partie des fidèles n'ont pas une simple attitude passive face à ces églises, mais qu'ils pratiquent une sorte de consumérisme en tentant de maximiser ou d'optimaliser leurs chances de miracle ou de guérison en passant d'un pasteur à un autre en fonction de leurs qualités reconnues ou de miracle avéré. S’il reconnaît que certains groupes ayant un niveau d’éducation plus important exercent leur sens critique en changeant de pasteur de manière à satisfaire une recherche d'une liturgie plus convaincante, Monsieur Sambiani ajoute, non sans un certain sens de l’humour typique à la société africaine, que le commérage des femmes leur permettaient de se tenir au courant des qualités des différents pasteurs, et que celle-ci pouvaient donc pratiquer leur marché en comparant les différents services proposés.



(1) Article basé sur l'entretien avec monsieur SAMBIANI Dago Djabéna, professeur de sociologie à l'université du Lomé
(2) La Revue CAMES publication scientifique du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur. http://www.cames.bf.refer.org/

Photo: Pierre Capoue - Togo 2006

Juin 2006 - Pierre Capoue

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En Europe, en France plus pécisément le phénomène existe aussi.
Ainsi l'Eglise Catholique Libre commence à se développer.