mardi 17 avril 2007

La chasse au crocodile

Rencontre avec Monsieur le docteur Kany Sokpo Diallo : Ministre de la Population, des Affaires sociales et de la Promotion féminine et Monsieur ESSO-WAZINA YERINA directeur du 5ème Programme Pluri-annuel de Micro Réalisation (PPMR) de L’union européenne

La chasse


Ce soir, nous allons à la chasse au crocodile pour ce faire j’ai rendez-vous avec mon guide, c’est un jeune homme d’approximativement 25 ans, dynamique, chemise blanche, pantalon noir, il parle avec aisance, sans accent, il est vrai qu’il a fait ses études à l’université de Lille en France. Il rêve de modernité, il veut voir les choses bouger et créer des connexions. Il explique aussi qu’il est le fils d’un homme important au Togo. D'ailleurs, il propose d’organiser une rencontre avec son père.

Vous l’aurez compris le crocodile togolais n’est pas un saurien préhistorique, mais plutôt un vieil animal politique ayant déjà vécut beaucoup de crises, à la peau dure comme du cuire et aux réflexes mordants…

Il est 19H00, la nuit est déjà tombée depuis plus d’une heure quand nous nous mettons en route vers la résidence de mon crocodile. Sa propriété, comme toutes les propriétés résidentielles privées de Lomé, est entourée d’un mur aveugle haut de 2,50 mètres. Le quartier comme tous les quartiers de la capitale est sillonné de rue de terres battues défoncée et parsemée de cailloux et de gravats. Mais une fois à l’intérieur, on découvre un beau jardin aménagé et éclairé, dans le salon trône, surélevé, une monumentale télévision avec un écran de 1,5 mètre sur 1 mètre. C’est le symbole ultime de la position sociale de notre hôte avec le groupe électrogène pétaradant dans le fond du jardin.




Le crocodile est sûr de la position qu’il occupe et tient à le faire savoir. Prudent comme un tigre malgré le caractère non officiel de la rencontre, il nous fait attendre un bon quart d’heure pour un entretien finalement assez délicat. Le vieux crocodile ne veut rien lâcher, mais il tient à montrer et à faire sentir son importance. Pourtant, il en aurait à raconter s’il le voulait, ancien responsable des privatisations au Togo, il pourrait facilement expliquer les conditions des privatisations du secteur de l’électricité et du port autonome de Lomé. Mais ce dernier reste irrémédiablement fermé visiblement nous ne somme pas à l’heure de sa biographie. Il sert quelque platitudes sur le pays et ses mutations engagées avec le « dialogue inter-togolais » de Faure Gnassingbé (l’actuel président), les merveilles de la coopération chinoise (formation de médecins, de cadres, etc.) et l’aspect envahissant des produits chinois en rapport avec leur faible coût, etc. (voir article sur la coopération chinoise au Togo)

A l’issue de l’entretien, il ne reste qu’un sentiment confus d’une grande perte de temps, réciproque probablement. Mais mon guide, indécrottable optimiste, ne voit dans tout cela qu’un premier contact dans la grande tradition africaine des rencontres qui ne commencent réellement qu’au deuxième contact.

Autour de la chasse

À la direction du Programme Pluri-annuel de Micro Réalisation (PPMR) les choses sont quelque peu différentes, toujours aussi policées, mais cette fois l’envie de communiquer est là.

Si le dialogue « inter-togolais » est une réalité, Monsieur ESSO-WAZINA YERINA, un Kotokoly(1) de la région de Kara, coordinateur togolais du PPMR dit aussi que les gens sont lassés d’attendre des changements qui ne viennent pas. Il rappel encore que ce n’est pas la première tentative de dialogue au Togo. Dans la rue, comme d’ailleurs aux terrasses des bars et dans les maquis (cantine typique et populaire du Togo) il n’est pas rare d’entendre cette impatience.
« Ce sont toujours les même qui sont au pouvoir, bientôt il faudra une révolution », boutade ou réalité, le professeur d’économie de Kara qui tiens ces propos sait qu’il n’est pas le seul à penser cela. Musulman pratiquant, le souriant directeur d’hôtel de Sokodé tient à peu près les mêmes propos. Ainsi, les salaires impayés par un état qui semble en faillite à cause de la corruption sont le quotidien des enseignants, des médecins et des fonctionnaires. « Vous savez, les Africains dès qu’ils ont un peu d’argent ils s’empressent de l’investir en Europe ou aux États-Unis. Tant que cette forme d’égoïsme durera ici, l’Afrique ne pourra pas évoluer » confie encore Monsieur Esso-Wazina, là encore il n’est pas seul à faire ce constat.

Le dialogue

Depuis le début de l’année a commencé le « dialogue inter-togolais », une rencontre multilatérale entre tous les partis politiques qui souhaitent y participer. Seul Nicolas Lawson, chef de file d’un petit parti radicale est resté prudemment à l’écart. Le « dialogue inter-togolais » devrait aborder tous les points délicats devant permettre une transition du pouvoir et l’établissement d’une démocratie. Parmi ceux-ci, au moins deux concernent la constitution et les lois sur les élections. Les espoirs portés par le dialogue sont grands, peut-être trop même. Une partie de la population surtout dans le centre du pays ne croit plus aux chances d’aboutir. Ils pensent comme Monsieur Esso-Wazina et comme mon crocodile que les vieux barons du régime ne sont pas prêts à partir. Monsieur Esso-Wazina précise que la peur des représailles s’ils venaient à lâcher leur pouvoir les maintiens en place et que les notions de démocratie et de citoyenneté, si chère aux occidentaux, sont encore bien étranges et méconnues par les Togolais. Enfin, il pense qu’il faudrait que les partis politiques du Togo prennent en mains une formation à la citoyenneté et aux notions relatives à la démocratie. Une formation qui ne pourrait venir que des Togolais eux-mêmes, l’Union européenne devant se borner, selon lui, au simple rôle de soutien aux initiatives qui iraient dans ce sens


Toutes les rencontres, toutes les discussions que l’on peut avoir amènent immanquablement à parler de démocratie et d’honnêteté en politique. Malgré la lassitude exprimée par les uns et la perte de patience exprimée par les autres, les espoirs sont grands dans futures les transformations du régime annoncées par le Président Gnassingbé et pour voir la fin d’un système basé sur le clientélisme et la corruption au profit de la seule famille Eyadema.

Déjà les esprits se libèrent autour du sodabi (alcool local) ou du t’chouk (bière locale à fermentation spontanée) tout le monde donne sont avis sur tout, aucun sujet ne semble plus tabou…
(1)Kotokoly : ethnie locale de la région de Kara
Autre crocodile
http://www.ufctogo.com/article.php3?id_article=396

La fiche sur le Togo de Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Togo

À propos des PPMR
http://www.deltgo.cec.eu.int/fr/projets/ppmr.htm

À propos du « dialogue inter-togolais »
http://www.icilome.com/nouvelles/news.asp?id=70&idnews=6445&f=
http://www.afrik.com/article9765.html
http://fr.allafrica.com/stories/200703121369.html

À propos du président
http://fr.wikipedia.org/wiki/Faure_Gnassingb%C3%A9ici
- photos: Pierre capoue - Togo 2006
juin 2006 - Pierre Capoue

Aucun commentaire: